
Un DFGe bas et un RAC élevé engendrent une augmentation du risque de mortalité !
La maladie rénale chronique (MRC), qui touche 10 % à 16 % de la population mondiale, est un véritable problème de santé publique. La diminution du débit de filtration glomérulaire estimé (DFGe) et l’augmentation de l’albuminurie permettent de prédire les principales évolutions de cette maladie, y compris l’insuffisance rénale terminale (IRT) et la mortalité. Mais on ne sait pas encore avec certitude si ces associations sont constantes, quelles que soient les maladies, ou si elles sont modifiées par la présence ou l’absence d’une maladie particulière. Par ailleurs, le diabète est le premier facteur de risque de MRC dans les pays développés et les patients diabétiques atteints de MRC présentent un surrisque important de mortalité toutes causes confondues, de mortalité cardiovasculaire et d’insuffisance rénale.
Pour évaluer si les associations entre DFGe, albuminurie et mortalité/pronostic rénal sont les mêmes chez les patients avec ou sans diabète, une méta-analyse d’études sélectionnées selon les Chronic Kidney Disease Prognosis Consortium criteria a été réalisée (1).
Résultats
Les données ont été analysées chez 1 024 977 individus (dont 128 505 patients diabétiques) dans 30 cohortes de population générale et de patients à haut risque cardiovasculaire et 13 cohortes de patients atteints de MRC.
Dans la population associant cohortes de population générale et à haut risque, 75 306 décès toutes causes confondues ont été observés pendant une durée de suivi de 8,5 ans (DS : 5,0).
Dans ces mêmes cohortes, lorsqu’un seul seuil de référence est défini dans le groupe de patients non diabétiques, le hazard ratio (HR) pour la mortalité cardiovasculaire et toutes causes confondues est 1,2 à 1,9 fois plus élevé chez les patients diabétiques que chez les non diabétiques, quels que soient le DFGe et le ratio albumine/créatinine (RAC). Lorsque les seuils de références sont définis séparément dans les groupes de patients diabétiques et non diabétiques, pour évaluer spécifiquement une association avec le diabète, le HR pour un DFGe bas et un RAC élevé sont pratiquement les mêmes, que les patients soient diabétiques ou non.
Des résultats comparables sont observés pour l’IRT dans les 13 cohortes de patients avec MRC.
Discussion
Les données de cette étude suggèrent que de nombreux événements majeurs, y compris l’IRT et la mortalité, sont augmentés chez les individus avec MRC, indépendamment de la cause de leur dysfonction rénale. Bien que les risques absolus d’IRT, de mortalité toutes causes confondues et de mortalité cardiovasculaire soient plus élevés chez les patients avec MRC et diabète que chez ceux indemnes de diabète, quels que soient les chiffres de DFGe et de RAC, les risques relatifs de ces événements sont pratiquement les mêmes dans les deux groupes.
Des seuils cliniques similaires pour le diagnostic et la classification de la MRC peuvent donc être utilisés, que les patients soient diabétiques ou non, ce qui montre l’importance de l’identification de ces anomalies dans le bilan rénal (un DFGe + RAC) chez les patients, même en l’absence de diabète.
Les données de cette étude montrent également que la mortalité cardiovasculaire et la mortalité toutes causes confondues sont fréquentes chez les patients atteints de MRC, indépendamment de la présence d’un diabète.
Dr Sophie Delaure
Références
1. Fox CS, Matsushita K, Woodward M et al. Associations of kidney disease measures with mortality and end-stage renal disease in individuals with and without diabetes: a meta-analysis. Lancet. 2012;380(9854):1662-73.