Comment traiter l’insuffisance rénale chronique dès les premiers stades de la maladie rénale chronique ?

La MRC est définie, indépendamment de sa cause, par la présence, pendant plus de 3 mois :

  • De marqueurs d’atteinte rénale.
  • Et/ou d’une IRC (débit de filtration glomérulaire [DFG] estimé < 60 ml/min/1,73 m2).

L’IRC est définie par une diminution progressive et irréversible du DFG, qui reflète le fonctionnement rénal. Le DFG est estimé à partir de la créatininémie en utilisant l’équation Chronic Kidney Disease Epidemiology Collaboration (CKD-EPI). Le seuil convenu pour définir la baisse du DFG est < 60 ml/min/1,73 m2.(1)

Après avoir identifié les patients à risque de MRC (essentiellement hypertension artérielle, diabète, maladie cardiovasculaire, antécédents familiaux de MRC, mais aussi exposition environnementale et facteurs génétiques), le dépistage des sujets à haut risque se fait sur la mesure du DFG estimé (DFGe) ET le ratio albuminurie/créatininurie (RAC).

Un RAC ≥ 30 mg/g (≥ 3 mg/mmol) ou un DFGe < 60 ml/min/1,73 m2 pendant 3 mois ou plus doit faire porter le diagnostic de MRC.

Dès les premiers stades de la MRC, la prise en charge comporte l’éducation thérapeutique, les mesures de néphroprotection, les changements de mode de vie, les traitements des comorbidités, autant de dispositifs destinés à retarder la progression de la maladie et réduire le risque cardiovasculaire.

Associées aux traitements, l’information et l’éducation thérapeutique (ETP) s’inscrivent dans le parcours de soins du patient. Elles ont pour objectif d’améliorer son état de santé, d’atteindre les objectifs thérapeutiques et d’améliorer ou de préserver sa qualité de vie. L’ETP doit être personnalisée et, aux stades précoces de la MRC, ses composantes essentielles sont l’autosurveillance du poids et de la pression artérielle, l’adaptation du mode de vie (alimentation, activité physique), ainsi que les mesures de néphroprotection.

Dans la mesure du possible, il faut contrôler l’exposition aux produits néphrotoxiques et, notamment, rechercher une exposition professionnelle. La prise de médicaments néphrotoxiques doit faire l’objet d’une évaluation bénéfices/risques et les examens radiographiques avec injection de produit de contraste pratiqués avec les mesures de précautions et protocoles établis. La prise de médicaments à élimination rénale doit être sécurisée par un ajustement posologique, une substitution, voire un arrêt du traitement. La pratique d’une activité physique adaptée sera encouragée car elle réduit le risque cardiovasculaire et la dégradation de la fonction rénale.

Lutter contre le tabagisme permet non seulement de réduire le risque cardiovasculaire, mais le tabac est également, à lui seul, un facteur de risque de dégradation de la fonction rénale. Le sevrage tabagique sera donc recommandé et, si possible, accompagné.
L’alimentation doit être équilibrée, variée et adaptée aux goûts. L’objectif est d’obtenir ou de maintenir un indice de masse corporelle (IMC) < 25  kg/m2 tout en contrôlant certains apports :

  • Apports énergétiques entre 25 et 35 kcal/kg/j en fonction de l’âge, de l’activité physique, de l’IMC et des comorbidités.
  • Apports en sel de 6 à 8 g/j au maximum.
  • Apport en eau proche de 1,5 l/j.
  • Apports en protéines, aux stades précoces, limités à 1 g/kg/j.

Lorsque les mesures hygiéno-diététiques ne suffisent pas pour atteindre les objectifs thérapeutiques, un traitement pharmacologique leur sera associé.
Le seuil d’intervention thérapeutique habituellement retrouvé dans les recommandations est de 140/90 mm Hg. On retiendra :

  • De traiter par IEC ou ARA2 les patients lorsque la pression artérielle systolique (PAS) reste supérieure à 140 mm Hg et/ou lorsque la pression artérielle diastolique (PAD) reste supérieure à 90 mm Hg.
  • De ramener la PAS à moins de 140 mm Hg et la PAD à moins de 90 mm Hg.
  • De poursuivre des objectifs de traitement plus stricts : PAS < 120 mm Hg, en dehors de situations à risque, c’est-à-dire, dans les stades précoces de MRC, essentiellement le diabète.
  • Lorsque la PAS est entre 120 et 139 mm Hg, de traiter par IEC ou ARA2 les patients diabétiques ayant une albuminurie et les patients non diabétiques ayant une albuminurie supérieure à 300 mg/g (30 mg/mmol).

Quel que soit le stade de la MRC, toute infection est à risque d’aggraver l’insuffisance rénale. Il est donc recommandé de vacciner précocement contre la grippe, les infections à pneumocoque, les infections au virus SARS-CoV-2 et l’hépatite B chez les sujets séronégatifs ou les sujets vaccinés, mais non protégés.

Le traitement des dyslipidémies par une statine est recommandé pour tous les patients atteints de MRC en prévention du risque cardiovasculaire.

Il est proposé de retenir comme objectifs :

  • HbA1c < 7 % lorsque l’insuffisance rénale est légère à modérée.
  • HbA1c < 7,5 % chez les patients à risque de comorbidité cardiovasculaire ou à risque hypoglycémique.
  • HbA1c entre 7,5 % et 8,5 % chez les patients âgés polypathologiques.

Les recommandations ADA/KDIGO(2) préconisent l’initiation précoce d’un traitement par metformine, associé à un iSGLT2 chez la plupart des patients DT2 avec MRC.

La metformine, qui n’est pas néphrotoxique, est recommandée chez les patients DT2 avec MRC ayant un DFGe ≥ 30 ml/min/1,73 m2.

Les iSGLT2 ayant prouvé leurs bénéfices rénaux et cardiovasculaires sont, quant à eux, recommandés chez la plupart des patients DT2 avec MRC, ayant un DFGe ≥ 20 ml/min/1,73 m2, indépendamment du taux d’HbA1c, même si les objectifs glycémiques sont atteints.

Dr Sophie Delaure

Références

1. Haute Autorité de santé (HAS). Guide du parcours de soins – Maladie rénale chronique de l’adulte (MRC). Validé par le Collège le 1er juillet 2021. Mis à jour en septembre 2023.
2. de Boer IH, Khunti K, Sadusky T et al. Diabetes management in chronic kidney disease: a consensus report by the American Diabetes Association (ADA) and Kidney Disease: Improving Global Outcomes (KDIGO). Diabetes Care. 2022;45(12):3075-90.

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