
Dépistage et diagnostic de la maladie rénale chronique (MRC) chez le patient vivant avec un diabète de type 2 en 2025 : comment faire en pratique ?
Le dépistage de la MRC, chez un patient avec ou sans diabète, repose sur deux piliers : le dosage de la créatinine plasmatique permettant le calcul du débit de filtration glomérulaire estimé (DFGe) selon la formule CKD-EPI et le rapport albuminurie/créatininurie (RAC), le diagnostic de MRC pouvant être porté dès lors que les résultats de l’un OU l’autre de ces examens sont pathologiques. Des mesures hygiéno-diététiques et des traitements pharmacologiques sont alors à mettre en œuvre sans attendre.
Les données françaises de 2022 (étude ENTRED 3) (1) montrent que si 89,2 % des patients vivant avec un diabète ont bénéficié d’au moins un dosage de la créatininémie en libéral dans l’année, seulement 40,9 % d’entre eux ont eu un ou plusieurs dosages de RAC dans l’année, ce qui reste très insuffisant. Chez le patient vivant avec un diabète de type 2 (DT2), ces deux examens doivent être systématiquement demandés chaque année dès le diagnostic du diabète et, en cas de résultat pathologique, être répétés une ou deux fois à quelques semaines d’intervalle.
Le RAC en pratique
Le RAC est obtenu à partir d’un échantillon d’urine à n’importe quel moment de la journée et est donc bien plus simple que le dosage sur les urines des 24 heures.
En cas de résultat pathologique (> 30 mg/g ou 3 mg/mmol), il est nécessaire de confirmer le diagnostic de MRC sur 2 ou 3 dosages à quelques semaines d’intervalle. Certaines situations peuvent fausser les résultats du RAC : période de grand déséquilibre glycémique, fièvre importante, activité physique dans les 2/3 jours précédant l’examen par exemple.
Vérifier que le laboratoire a bien dosé l’albuminurie et non la protéinurie pour le RAC, ce qui arrive parfois, car l’albuminurie est plus sensible que la protéinurie pour qualifier la MRC.
Dépister précocement pour pouvoir prévenir la dégradation rénale et réduire le risque cardiovasculaire
Les résultats du DFGe et du RAC illustrent à la fois le niveau de risque rénal et le niveau de risque cardiovasculaire : plus le DFGe est bas et plus le RAC est élevé et plus ces risques sont importants.
Poser le diagnostic de MRC chez le patient vivant avec un DT2 implique la mise en route de toute une série de mesures – contrôle glycémique et tensionnel, modifications du mode de vie (arrêt du tabac, activité physique, perte de poids, réduction de la consommation de sel et de protéines animales…) – et la prescription de médicaments néphroprotecteurs, comme préconisé par les recommandations nationales et internationales (2, 3) : bloqueurs du système rénine angiotensine (IEC ou ARA2) et iSGLT2, en attendant les AR-GLP1 qui seront vraisemblablement inclus dans les prochaines recommandations. Ces mesures thérapeutiques de prévention de la progression de la MRC impactent aussi favorablement les risques cardiovasculaires auxquels ces patients sont exposés, participant ainsi à la protection néphro-cardiovasculaire.
Dès le diagnostic de MRC chez un patient vivant avec un DT2, le médecin généraliste doit initier sans attendre des mesures hygiéno-diététiques et des traitements pharmacologiques. Dans certaines situations, il est néanmoins recommandé (2, 3) qu’il oriente son patient vers un néphrologue, notamment en cas :
- de macroalbuminurie (> 300 mg/g ou 30 mg/mmol),
- d’insuffisance rénale chronique sévère (DFGe < 30 ml/min/1,73 m2),
- de situations intermédiaires avec un DFGe entre 30 et 45 ml/min/1,73 m2 et une microalbuminurie entre 30 et 300 mg/g (ou 3 à 30 mg/mmol),
- d’interrogations sur l’étiologie de la MRC,
- de dégradation rapide du DFGe (perte > 5 ml/min par an).
Deux astuces utiles
Avoir dans son dossier patient la courbe de suivi du DFGe, car l’évolution graphique de la courbe est très parlante (elle est parfois fournie par le laboratoire d’analyses médicales).
Comme le préconise désormais la HAS, demander au laboratoire le calcul du score de risque rénal (SRR), en anglais KFRE (Kidney Failure Risk Equation) (4), pour les patients avec une MRC : le SRR est un score pronostique évaluant le risque de progression vers l’insuffisance rénale terminale à 5 ans en fonction de l’âge, du sexe, du DFGe et de l’albuminurie :
- SRR < 5 %, le risque de progression est faible ;
- SRR entre 5 et 15 %, le risque est intermédiaire et il est recommandé d’orienter le patient vers un néphrologue ;
- SSR > 15 %, le risque est important et il est indispensable d’orienter le patient vers un néphrologue.
Ce score est déjà rendu par certains laboratoires de biologie et doit être mieux connu et plus largement diffusé.
Propos recueillis auprès du professeur Patrice Darmon, endocrinologue,
AP-HM, hôpital de la Conception, Marseille, par le docteur Catherine Bouix.
Références
- Lavalette C et al. Prévalence de l’insuffisance rénale chronique chez les personnes atteintes de diabète en France : étude Entred 3. Présentation orale ; congrès de la SFD 2024.
- KDIGO-2024 clinical practice guidelines for the evaluation and management of chronic kidney disease. Kidney International. 2024;105(Suppl 4S):S117-S314.
- SFD. Prise de position de la Société francophone du diabète (SFD) sur les stratégies d’utilisation des traitements anti-hyperglycémiants dans le diabète de type 2-2023. Med Mal Metabol. 2023;17:664-93.
- Tangri N, Stevens LA, Griffith J et al. A predictive model for progression of chronic kidney disease to kidney failure. JAMA. 2011;305(15). DOI:10.001/jama.2011.451